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septième volume 1940-1950

Mes conférences de l’époque

Grouperai-je ici quelques-unes de mes conférences ? Tout m’incline à trouver fastidieux ces souvenirs, le rappel de ces écrits qui sentent la cendre. Mais n’ai-je pas entrepris d’esquisser un peu le visage de mon temps ? Et est-ce ma faute si ce passé a des senteurs de moisi ? En ces conférences, au surplus, j’aurai abordé parfois les sujets les plus épineux de mon époque et parfois aussi d’autres aspects de l’avenir qui me paraissaient d’importance vitale. Pour plus de clarté et de rapidité, je ferai deux parts de ces paroles aujourd’hui tant vieillies : celles qui s’adressaient ou qui auraient pu s’adresser à toute l’opinion canadienne et celles que je ne destinais qu’au public canadien-français.

L’année 1942 nous amenait un grand anniversaire : l’avènement du ministère LaFontaine-Baldwin, inattendu retournement de la politique anglaise à l’égard du Canada. Londres et ses agents avaient voulu construire un État unitaire. Or, en 1842, l’Union des Canadas devenait en pratique un État fédératif. L’on avait voulu la fusion des races, la disparition de la nationalité canadienne-française et d’abord, en politique, sa réduction au rôle de minorité, vouée à l’écrasement. Or un chef canadien-français, un ancien lieutenant de Louis-Joseph Papineau, devenait le premier ministre du nouvel État. Évolution rapide, hors de toute prévision, presque miraculeuse. Du côté français, quelques acteurs du drame en pleurèrent de joie. Les défaitistes reprirent confiance. Une porte s’ouvrait à un nouvel avenir. La jeune école de nos historiens, je ne l’ignore point, ne voit pas les choses du même œil. D’un coup de botte elle a bousculé le piédestal où les historiens d’hier avaient élevé Louis-Hippolyte LaFontaine. Pour cette école, il y aurait telle chose, en l’histoire canadienne, que « l’imposture LaFontaine ». Le prétendu héros de 1842 aurait créé le mythe de la collaboration ou de l’union possible des deux races, et ce, dans une entente et une égalité parfaites. Il aurait par là aiguillé ses