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mes mémoires

On le voit, pour saisir la genèse et le développement de ce qu’on appelle mes « idées politiques », — ce que me demandait l’autre jour une demoiselle Brunel qui prépare là-dessus une thèse pour l’Université de Montréal ―, il faut partir de cette simple page de mes Directives où, pour la première fois peut-être, j’évoque l’idée et l’existence historique de l’État français (p. 51-1re éd.). L’enquête de 1922 ne constitue, à mon sens, qu’une digression. Nous avions cru à l’hypothèse d’une rupture de la Confédération. La rupture n’ayant pas eu lieu, notre hypothèse ne s’étant pas accomplie, je suis revenu à l’idée de l’État français dont je ne démordrai plus.

Je devrai de nouveau m’expliquer, en ces dernières années, avec la renaissance des mouvements dits « indépendantistes ». En ces milieux, on ne parle plus de « séparatisme », mot trop négatif. Et c’est tant mieux. On parle plutôt de la souveraineté du Québec, ou de l’indépendance. Un jeune homme paraît un moment prendre la stature d’un chef, Raymond Barbeau. Intellectuel de bonne classe, il a été le premier, je pense, à recevoir la médaille de l’Académie canadienne-française pour une thèse sur Léon Bloy. Il n’aura manqué à Barbeau, du moins jusqu’à ce temps, que de savoir faire bon usage de ses talents et de sa vie. Il écrivit un petit volume : J’ai choisi l’indépendance. Il fonda l’Alliance laurentienne, s’inspirant d’un titre ancien, les Jeunesses laurentiennes, aujourd’hui défuntes. Ne pouvant s’entendre avec le RIN dont il suspectait l’idéologie, Barbeau a, semble-t-il, gardé ses convictions, mais laissé tomber son mouvement. Je voulus pourtant répondre à son premier petit volume. Je cite un extrait de ma lettre, en date du 4 janvier 1962. Elle établit de nouveau ma position.