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VI

DERNIÈRES RÉFLEXIONS

La mort — Mon attitude devant elle

Pourtant la mort ne m’effraie point. À ce moment du moins. Je ne la souhaite ni ne la repousse. Je crois si fortement en la miséricorde divine, immense comme tout ce qui est en Dieu. Ma foi dit à tous qu’il n’y a point de coupure entre cette vie et l’autre, qui, par-delà, nous attend. Il n’y a qu’une étape à franchir. Et après c’est la Vie, la vraie Vie qui commence. Aussi fais-je souvent cette prière à Dieu : « Prenez-moi quand vous voudrez, comme vous voudrez. Laissez-moi seulement un moment de pleine connaissance pour achever ma vie dans un acte de contrition et d’amour. Mais que d’abord votre volonté soit faite ! » Qui ne s’attarde parfois à spéculer sur le genre de mort qui l’emportera ? Sera-ce la mort instantanée ? Sera-ce après la longue et douloureuse maladie, la longue, l’interminable dissolution du pauvre être humain, le jam delibor de saint Paul ? Il faut si peu de chose pour abattre un homme. Et la fin peut aussi si longuement se faire attendre : ce dont je prie Dieu de me préserver, tant j’appréhende ces fins de vieillards, vieillards gâteux, qui s’éternisent, font l’affliction suprême de leur entourage. Combien la mort rapide paraît plus souhaitable ! Pascal parlait du grain de sable dans l’urètre. Aujourd’hui l’on parle de thrombose cardiaque, de caillot de sang dans le cerveau. Caillot foudroyant. Mais il y a d’autres morts. Près de mon petit chez-moi, à Vaudreuil, j’ai vu mourir tant d’ormes géants, superbes, minés par le microbe hollandais. Un premier été, au sommet de l’arbre, surgit, sinistre, un brin de feuillage jauni ; le deuxième