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lumière autant que de demi-fantômes. Disons-le sans ambages : il y a dans ce système ténébreux, qu’on le veuille ou non, une diminution voulue, calculée, du sens religieux, un recul de la foi, de l’influence de l’Église dans la vie de l’enfant, de l’adolescent, de tout l’enseignement. Et que cette évolution s’accomplisse sous l’œil de gouvernants dont la plupart se disent encore catholiques démontre jusqu’à quel point une clique de faux et minuscules docteurs aura, chez nous, empoisonné les esprits. Jusqu’à quelle néfaste décomposition intellectuelle et morale nous conduira cette révolution scolaire, n’allez pas le demander à un clergé complice, encore moins à nos abbés progressistes. Pour eux, l’Église est d’autant plus influente qu’elle fait ignorer sa présence. Cependant on aura beau faire, il y a tout de même un idéal de l’homme, un idéal de la société, un idéal de la civilisation qui disparaîtront avec la disparition de la foi.

Notre jeunesse

Des indices devraient donner à réfléchir. En premier lieu l’état d’esprit de notre jeunesse. Que se passe-t-il en ce milieu ? D’après certaines gens, ― un jeune prêtre de talent en a même fait le titre de l’un de ses ouvrages ―, il ne faudrait pas juger les jeunes. Au nom de quoi ? Le comportement de la jeunesse est un fait, un phénomène comme les autres. Il appartient à l’historien. Il présage l’avenir. Qui s’en peut désintéresser ? L’on s’intéresse à un bouton de rosier. L’on a hâte de le voir s’ouvrir, étaler la fleur encore emprisonnée. Mais si le bouton nous apparaît déjà mordu par un insecte, l’attente se fait plus inquiète. Ainsi en va-t-il de notre jeunesse. Un insecte l’a mordue. Dans Chemins de l’avenir, trop sévèrement je le crains, je l’ai décrite, jugée. Et plus haut, je l’ai avoué. Je connaissais une autre jeunesse ; je l’ai mieux connue depuis. Mais fait-elle le poids, le nombre ? Une grave inquiétude me saisit, lorsque d’une grande école près de chez moi, école réputée pour sa tenue, l’on m’informe que, l’an passé, sur 23 finissants, 22 ont échoué en leurs examens. L’expérience m’a tellement appris, à Valleyfield, qu’un jeune homme ou adolescent, qui n’a pas résolu favorablement le problème de la sexualité, mais qui est devenu victime de ses sens, reste incapable de fortes études et de grandeur morale. Et j’ai