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huitième volume 1950-1967

vu quelques spectacles que nous sert à la télévision cette jeunesse, spectacles coiffés parfois du titre de « Jeunesse oblige », exhibition de danses, de chansonnettes de la plus entière vulgarité. Comment ne pas s’affliger de ces sauteries d’épileptiques, fol effort de fillettes de dix à douze ans, les cheveux dénoués, mêlées à des bambins du même âge et qui s’ingénient à se défaire le corps, à se tordre en tous sens. Vraies danses de narcomanes dans l’ivresse de la drogue. Oh ! je sais que de naïfs parents et même de bons Pères ne voient en ces spectacles que des excès de vitalité. On les absout. Mais que n’absout-on point de ce temps-ci ? Comme s’il n’y avait interdépendance de l’âme et du corps et que l’on pût ainsi violenter son corps sans violenter son âme. Comme si l’on pouvait se livrer à la démesure, aux excès de la bête en soi, sans danger pour son équilibre mental. Comme si l’on pouvait jouer indéfiniment à l’hystérie sans qu’il en restât quelque chose. Heureusement, il semble qu’on en revienne, en ces derniers jours, et qu’à « Jeunesse oblige » particulièrement, on se convertisse à la mesure et même à la distinction. Quel avenir, me suis-je dit, bien des fois, attendre de cette jeunesse, avide d’amusements fous, paresseuse, rongée par une sexualité en débâcle, sexualité dont s’accentuera la frénésie avec notre école mixte ? Nous aurions tant besoin, devant les tâches qui s’imposent, d’une génération saine, d’esprit clair, vigoureux, capable d’idéalisme vivant et d’efforts magnifiques ! Et où nous mène cette apostasie des jeunes, apostasie, quoi que l’on dise, trop généralisée. Je m’effraie à la pensée de ce que Dieu réservait autrefois aux infidélités de son peuple choisi.

Notre clergé

Dans le domaine religieux, les points noirs non plus ne manquent pas. Je ne suis pas Le Paysan de la Garonne, selon M. Maritain. Mais que penser de notre épiscopat « muet », — je ne suis pas le seul à le dire — plutôt pauvre en grandes personnalités, au surplus en triste déperdition d’influence, qui se décide à parler, fort bien du reste, à l’occasion du centenaire de la Confédération, mais qui n’a pu se mettre d’accord, selon toute apparence, pour défendre efficacement la confessionnalité scolaire, freiner la débâcle morale, et qui, sans protester, s’est laissé pren-