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Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/41

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septième volume 1940-1950

les esprits modérés et onctueux de chez nous : l’Histoire n’est pas et ne peut être au service de fins étrangères à elle-même, fût-ce une théorie d’unité nationale ou une propagande de guerre ; l’Histoire n’est pas conscriptible ; elle n’est au service que de la vérité.

Un peu plus loin, après avoir rappelé un mot du comte de Montalembert, à savoir que « la liberté ne se donne pas, elle se prend ou elle se conquiert », j’ajoute : « l’axiome reste vrai dans tous les mondes, même dans le monde britannique », et j’ose ces autres mots : « En conséquence, nous serait-il permis d’inviter certains Messieurs, toujours en mal d’un loyalisme désuet, à repasser de temps à autre ces quelques notions d’histoire constitutionnelle et à s’aviser, en même temps, qu’aucune mystique de guerre ne nous oblige à saborder l’histoire de notre pays ? »

Je viens de relire Le Devoir du 17 septembre 1942 qui relate la soirée de ce jour-là. Quelle époque que celle d’il y a vingt ans, où une foule pouvait emplir la vaste salle du Monument National, sans autre attraction qu’une leçon d’histoire, sur un grand anniversaire ! Souvenir qui nous fait sentir, sous les pieds, le froissement des feuilles mortes, mais de quels beaux reflets ! Je ne dis rien de ce cours d’histoire, emprunté, pour la grande partie, à mes cours inédits sur l’Union des Canadas. Tout au plus, avais-je jeté, par-ci par-là, quelques grains de sel pour mieux retenir l’attention d’un auditoire, d’ailleurs facilement vibrant. La conférence, publiée en brochure par les Éditions de l’Action nationale, fut republiée, avec quelques retranchements purement oratoires, dans un volume qui devait paraître sept ans plus tard sous le titre : L’Indépendance du Canada, auquel il me faudra revenir.

L’esprit toujours tourné vers le grand public canadien, je prononce, en septembre 1945, à la soirée de clôture, si je me souviens bien, des Semaines sociales du Canada, une autre conférence, au titre déjà piquant : « Le Canada, pays libre ». Avec un point d’interrogation eût-il fallu écrire. Le Père Joseph-Papin Archambault m’avait embarqué dans cette aventure. J’eus beau représenter au cher Père l’aspect compromettant du sujet pour un ecclésiastique, il n’en voulut point démordre : « Je sais que vous vous en tirerez, m’opposa-t-il ; vous pourrez traiter ce sujet comme vous l’entendrez. » Le Père Archambault, l’ai-je déjà dit, était de