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nombreuses dans nos collèges. De cette pénurie, l’on pourrait fournir une explication décisive. Si l’on s’occupe du recrutement des vocations de missionnaires, de religieux, de prêtres pour le clergé paroissial, l’on s’occupe peu malheureusement du recrutement des prêtres éducateurs. Un jeune homme, eût-il d’ailleurs opté pour cette vocation, constate tout d’abord l’absence de tout organisme qui lui permettrait de se préparer convenablement à sa tâche future. Comment voulez-vous qu’en pareil cas, un jeune clerc consciencieux, qui sait ce qu’il doit à la jeunesse, à son pays et à l’Église, se sente attiré vers nos collèges ?

Encore une fois, je vous prie de continuer votre campagne en dépit des cris d’effarouchement qu’elle pourrait provoquer. Il s’agit là d’une question vitale. En ces derniers temps, l’on m’a objecté le coût d’une institution comme une École normale supérieure, les difficultés d’une pareille organisation, question d’élèves, question de professeurs. Il me semble qu’une simple maison de pension où tous les jeunes prêtres qui étudient actuellement à l’Université de Montréal pourraient trouver à se loger et où, tout en suivant des cours, soit à la Faculté des Lettres, soit à la Faculté des Sciences, soit à l’École des Hautes Études commerciales, soit aux Sciences sociales et politiques, on leur donnerait, en même temps, des cours spéciaux de pédagogie proprement dite, d’éducation nationale et catholique, il me semble, dis-je, qu’une telle école pourrait s’organiser en trois semaines et coûterait moins cher qu’un Jardin botanique.

Ma correspondance avec M. Dandurand ne s’arrête point là. Nous échangeons encore, sur le sujet, chacun une lettre. Le 20 septembre 1938, je réponds à sa lettre du 7 du même mois :

Cher monsieur le sénateur,

J’ai gardé quelque temps votre « Mémoire » de M. Pierre Dupuy. Je voulais prendre le loisir de l’examiner d’assez près. La plupart des observations me paraissent d’une très grande justesse. J’affirmerais ma dissidence, toutefois, au sujet de la fondation d’une École normale supérieure à Montréal. Je ne puis comprendre que l’on sacrifie toute une génération de maîtres et d’écoliers. Fondée immédiatement avec une élite d’élèves et de maîtres, une École normale ne serait pas la perfection que vous-même et M. Dupuy rêvez ; elle ne pourrait manquer néanmoins d’élever d’un palier, la qualité de notre enseignement et