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septième volume 1940-1950

français, la guerre. Quand mes collègues anglais me parlent de leurs sacrifices, je leur réplique : “Pensez donc aussi à nos sacrifices. Vous consentez des sacrifices d’hommes et d’argent. Mais vous vous battez pour l’Empire, pour la vieille patrie. Le sentiment y est. Pensez à ceux-là qui sacrifient comme vous, hommes et argent, mais pour qui le sentiment n’y est pas ni ne peut y être”. » M. le sénateur Raoul Dandurand était, sans doute, un politicien ; pas plus que ses collègues du Québec, il ne répugnera à l’époque aux attitudes les plus opportunistes et les plus contradictoires. Il était peut-être plus Français de France que Canadien français. Mais l’homme avait de la classe, de la culture. Il s’imposait aux Anglais par ses réussites d’homme d’affaires. Aux côtés d’un Fernand Rinfret, d’un Ernest Lapointe, d’un P.-A. Cardin, il formait alors, dans le cabinet de la capitale, une équipe canadienne-française, comme le parti libéral n’en a plus revue.

Deux ans passeront. La question d’une École normale supérieure rebondira au moment où je m’y attendais le moins. Sort mystérieux de ces idées dont les unes meurent au cerveau, et dont les autres, l’on ne sait par quelle providence, accèdent à la forme matérielle. En 1940, l’évêque de Hearst, Mgr Joseph Charbonneau, devient archevêque coadjuteur de Montréal. Mgr Gauthier décède peu de temps après. Un dimanche après-midi de septembre, je reçois du chanoine Donat Binette, de l’Archevêché, un coup de fil : Mgr Charbonneau désire me voir et chez moi. J’ai beau protester que je puis me rendre au palais épiscopal, l’Archevêque en tient pour Outremont. Il vient. Il veut causer, s’informer de tout le problème de notre enseignement dans le Québec et principalement dans son archidiocèse. Il veut connaître mon opinion. Nous causerons deux longues heures. J’ai heureusement gardé quelques notes sur cet entretien. Au sujet de l’enseignement primaire, je lui fais part de la Commission dont nous avait chargés le deuxième Congrès de la Langue française, Commission dont j’étais le président et qui s’était déclarée impuissante à faire œuvre pratique sans une enquête préalable sur