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mes mémoires

tout cet aspect de notre enseignement public, enquête qui dépassait nos moyens, mais enquête aussi dont nous n’avions plus entendu parler. L’occasion s’offre trop belle néanmoins de proposer à mon visiteur ce qui me paraissait, dès ce temps-là, et comme mesure urgente, une réforme du Conseil de l’Instruction publique. Et voici comme je concevais cette réforme : j’entrevoyais deux corps distincts bien que destinés à se compléter et à collaborer, d’abord un Conseil pédagogique qui serait, comme en notre système parlementaire, une Chambre basse, un Conseil formé de pédagogues compétents qui mettrait constamment au point notre système d’enseignement, aurait pouvoir de légiférer ; et au-dessus de lui, une sorte de sénat qui serait le Conseil de l’Instruction publique. En mes notes je retrouve ces considérations que je soumets à mon nouvel Archevêque : « Le lit est fait pour un ministre de l’Instruction publique. On y songe plus que jamais dans les hauts lieux politiques. Il serait imprudent, sur ce point, de trop compter sur la réaction de l’opinion publique. » Et je cite à mon hôte cette parole d’un ministre : « L’ancien régime n’a rien donné. Pourquoi le nouveau régime donnerait-il moins ? » Au reste, des professeurs d’université ne se font pas faute de colporter, dans les cercles, qu’un ministère de l’Instruction publique n’est pas un mal en soi ; telle institution existe en beaucoup de pays catholiques. Le mécontentement s’exprime de cette façon dans les milieux bien-pensants et ce, devant le spectacle de la misère économique, sociale, culturelle des Canadiens français. On relève avec amertume le désarroi politique de la nation, le dénûment de la conscience nationale. Tout ce mal, on l’impute à l’école. Or, le clergé est en grande partie responsable de l’enseignement et de l’éducation. Donc… On lui reproche de n’avoir su former ni des hommes, ni des catholiques. On reproche particulièrement au Conseil de l’Instruction publique de n’avoir jamais pris nette position sur l’éducation nationale au Canada français. Rien de plus opportun, à cette heure, ajoutais-je, que d’orienter les jeunes prêtres vers les études pédagogiques. Et il importerait aux évêques de ne plus nommer d’aumôniers de communautés enseignantes, ni de visiteurs d’écoles, ni de principaux d’écoles normales non pourvus d’un diplôme ès pédagogie.