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septième volume 1940-1950

Quant à notre Université de Montréal, fais-je observer à mon visiteur, le mal profond provient de l’absence d’hommes de type universitaire, non pas dans la direction intellectuelle — nous sommes à l’époque du trio Maurault-Chartier-Montpetit — mais dans son administration et dans le bureau des gouverneurs. Là trop peu d’hommes aptes à comprendre les problèmes d’une université contemporaine. Je voudrais néanmoins qu’on utilisât les bons éléments, en vue d’introduire progressivement l’esprit catholique dans notre université et d’éveiller, chez les maîtres, un certain sens de leurs responsabilités de catholiques à l’égard des étudiants. À ce propos, je propose à mon Archevêque deux moyens : premièrement, l’organisation d’une retraite fermée annuelle pour nos professeurs d’université ; deuxièmement, l’organisation de réunions d’étude pendant les vacances (v.g. à la Villa des Jésuites à Vaudreuil) pour échanges de vues sur les problèmes de la vie universitaire, ainsi que font en France les universitaires catholiques. Mais j’insiste surtout sur l’état de l’enseignement secondaire. En ce domaine je me sens davantage sur mon terrain, ayant enseigné douze ans dans un collège. Je dis donc à son Excellence : dans vos collèges, ce n’est plus une question d’horaires ou de programmes ; c’est une question de maîtres. Notre enseignement secondaire souffre affreusement d’un manque de maîtres. Et la faute n’en est pas à ceux qui s’y trouvent, moins des coupables que de pauvres victimes. On y manque de maîtres et vous n’avez nulle école où les former. Et même ces futurs maîtres, on ne se soucie guère de les recruter dans la jeunesse des collèges classiques. En suite de quoi j’expose mon plan d’École normale supérieure : plan trop simple, dis-je, à Son Excellence, pour qu’il ait chance de réussir. Brusquement l’Archevêque me pose cette question :

— Votre École normale supérieure, quand la voulez-vous ?

— Mais le plus tôt possible, Excellence.

— Vous l’aurez. Jetez-moi sur papier votre plan. Et proposez-moi deux noms de prêtres que je pourrais mettre à la tête de cette École.

Il importerait souverainement, avais-je dit au milieu de ces propos, que l’institution ne réduisît point son rôle à la formation