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La Famille canadienne-française

miers temps, quand les missionnaires ne passaient que de loin en loin, la coutume s’était prise de garder longtemps les nouveau-nés à la maison, avant de les porter au baptême. Mais aussitôt les prêtres devenus plus nombreux, Mgr de Laval rétablit vigoureusement la discipline commune ; et même alla-t-il jusqu’à menacer de l’excommunication les parents trop négligents. Très vite ce fut une habitude religieusement gardée dans nos familles que la première sortie de l’enfant fût sa promenade aux fonts baptismaux et que le carillon de l’église devançât presque toujours les reportages des commères sur la naissance du nouveau paroissien.

À mesure que l’enfant grandit la même foi le suit et l’entoure. C’est l’enseignement religieux qui imprègne avant tout son esprit. La loi qui règle la conscience et toute la vie religieuse de la famille, c’est le « décalogue éternel » complété par l’Évangile. Aussi le « Jésus », c’est-à-dire le crucifix ou les vieilles images d’une sainte Anne enseignant à lire à la Vierge enfant, ou celle d’une Notre Dame des Sept-Douleurs qui montre son cœur transpercé de glaives — car tout cela s’appelle indistinctement le « Jésus » — est-ce le premier objet que l’enfant apprend à montrer dans la maison, comme c’est l’un des premiers mots qu’il apprend à prononcer. La mauvaise action, la désobéissance lui sont représentées avant tout comme une infraction à la loi divine, comme des choses qui font pleurer le Bon Dieu. C’est au foyer encore que l’enfant apprend ses premières réponses de catéchisme et ses premières formules de prières. À peine sait-il articuler ses premiers mots qu’il apprend à faire son signe de la croix, ou, comme l’on dit naïvement, son « nom du Père » ; car il sait dé-