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Notre Maître, Le Passé

jà qu’il n’est pas bien de se coucher sans faire sa prière, comme de se lever sans donner son cœur au Bon Dieu ; et nos aïeules se sont transmis pour cette offrande, de touchantes petites formules orales qu’il est regrettable vraiment de ne pas trouver dans nos livres de prières.

La légende se mêle parfois à la doctrine pour imprégner l’esprit des tout-petits des idées de foi et d’images gracieuses. En ce temps-là le distributeur d’étrennes n’est pas un vieillard gâteux, dont le principal mérite, semble-t-il, serait d’être un plantureux barbon, à rendre jaloux le Moïse de Michel-Ange. Et qui donc, parmi les anciens, en remuant ses plus délicieux souvenirs, ne retrouvait un petit enfant qui, chaque soir du 31 décembre, s’était endormi en rêvant au Jésus rose de la crèche de Noël ? Pendant la nuit, il était venu au milieu des songes merveilleux, déposer les étrennes, dans les souliers au pied de la cheminée, ou, mieux encore, dans le bas de laine fiévreusement suspendu au pied de la petite couchette, et qui, pendant le sommeil, s’était mis à remuer avec des froissements de papier mystérieux.

Il n’est pas jusqu’aux chansons, jusqu’aux ballades naïves que chantent les mères autour des berceaux, qui ne portent aux oreilles des enfants leur part d’images ou de leçons divines. On leur chante les cantiques de Noël, les chants liturgiques, la préface de M. le curé, avec une imitation bienséante de ses tons ; on leur fredonne :

La Sainte Vierge part en chantant
Avec ses beaux cheveux pendants

Et si, pour que bébé ait un beau sommeil, il y a une poulette noire qui vient pondre dans l’armoi-