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La Famille canadienne-française

gieuse par les menaces et les séductions et chez lequel cependant, trente ans après la conquête, l’on n’eût pas compté, au témoignage de son évêque, cinq apostasies ; je revois ces vieux chrétiens qui certes avaient leurs défauts et leurs misères, mais qui, devant les vieux curés austères d’alors, acceptaient de confesser deux ou trois fois leurs fautes, pour se trouver, le matin de Pâques, avec leurs enfants et leurs serviteurs, devant les ciboires d’argent ; je songe à ces mères et à ces pères croyants qui mettaient le signe de la croix au commencement d’un si grand nombre de leurs actions, qui regardaient le désordre, le péché parmi leurs enfants comme le plus grand des malheurs, qui pleuraient sur l’inconduite de leurs fils ou de leurs filles plus qu’ils n’eussent pleuré sur leurs cercueils ; je songe enfin à ces pauvres gens qui, malgré les duretés et les blessures de la vie, n’avaient jamais à la bouche une parole d’amertume, encore moins de blasphème ; mais, courbés, broyés par les peines et les deuils encore plus que par les années, se laissaient emporter par la mort comme par la main divine, savaient bénir une dernière fois leurs enfants, avec le sourire des justes… oui, Mesdames, Messieurs, je mets ensemble toutes ces noblesses émouvantes ; je mesure la grandeur et la pureté de cette foi et je n’ambitionne après cela, pour notre prétentieux catholicisme qu’un seul mérite : celui d’égaler parfois celui-là.

III

Cette esquisse de la vieille famille de chez nous serait incomplète si je n’ajoutais qu’une cause d’ordre social, le cadre économique et juridique où elle s’est développée, a contribué grandement à en fortifier la constitution. Cette cause n’a pas