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La Famille canadienne-française

quelques traits de leur physionomie ; c’est un ossuaire sacré qui a recueilli leurs sueurs et les nobles vestiges de leurs labeurs. Par cela même, c’est comme une personnalité immortelle qui relie les générations, les aide à demeurer pareilles les unes aux autres.

Au surplus, dans la famille-souche, les vieux prennent les moyens de se survivre et de garder au foyer, avec son caractère de continuité, sa vertu de cohésion pour la famille. Contrairement à ce qui se passe dans la famille instable, où le métier, où la profession n’est pas héréditaire, où tous les enfants quittent les uns après les autres le foyer qui s’éteint avec la mort des parents et se recommence à chaque génération, dans la famille souche, l’un des enfants, fils ou fille, se marie près des vieux et prend auprès d’eux le titre d’héritier associé. Observez, en passant, que le choix de celui-ci n’est pas laissé au hasard du droit d’aînesse ; les vieux parents le choisissent eux-mêmes, le plus souvent pour son aptitude plus grande à administrer le bien ancestral ou à coopérer avec le passé. Jusqu’à leur mort les vieillards cohabitent avec l’héritier, de telle sorte que la transmission des traditions familiales s’opère pour ainsi dire forcément, et selon le mode le plus sage : dans un juste tempérament de l’esprit de routine et de l’esprit de nouveauté. Pour l’administration du patrimoine, pour l’éducation des enfants, l’héritier peut profiter de l’expérience accumulée par les ancêtres, sans pourtant s’y enliser, puisqu’il redevient son maître et reprend sa libre initiative, à mesure que le déclin des vieillards les contraint d’abdiquer. Le Play a vu, dans cette société du père et du fils, une telle garantie de durée et de progrès, qu’il a écrit : « La cohabitation et l’association des parents avec le