Page:Groulx - Notre maître, le passé, 1924.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
Notre Maître, Le Passé

famille, dans la noble majesté du mot, c’est qu’elle demandait à Dieu l’honneur de l’être.

Quelles que soient les déchéances d’aujourd’hui, ne laissons pas les lassitudes infécondes, les scepticismes amers s’emparer de nos courages. Les vieilles familles ne sont pas toutes éteintes ; les vieux foyers ne sont pas tous morts ; les pierres sacrées ne sont pas toutes dispersées. Fustel de Coulanges a écrit dans la « Cité antique » : « Aux temps très antiques, le tombeau était dans la propriété même de la famille, au milieu de l’habitation, non loin de la porte, afin, dit un ancien, que les fils en entrant ou en sortant de leur demeure, rencontrassent chaque fois leurs pères, et chaque fois leur adressassent une invocation. Ainsi l’ancêtre restait au milieu des siens ; invisible, mais toujours présent, il continuait à faire partie de la famille et à en être le père. Lui immortel, lui divin, il s’intéressait à tout ce qu’il avait laissé de mortel sur la terre ; il en savait les besoins ; il en soutenait la faiblesse. Et celui qui vivait encore… celui-là avait près de lui ses guides et ses appuis : c’était ses pères ».

Mesdames, Messieurs, pour nous, le Dieu de nos foyers, c’est le Dieu invisible représenté sur le mur par le crucifix des ancêtres. Le tombeau de nos morts est là-bas, en terre sainte, à l’ombre de l’église. Mais notre impérissable gloire, et demain si nous le voulons, notre force victorieuse, ce sera de savoir néanmoins qu’aucun foyer de notre race n’existe où ne survive la présence morale de quelques aïeux aux genoux desquels il soit noble de tomber, comme devant des saints, avec des larmes dans les yeux et une prière aux lèvres ; c’est de penser que, dans notre pays français, ne se trouve peut-être aucun seuil familial derrière lequel,