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Notre Maître, Le Passé

battue et détruite près du fort Duquesne. L’affolement s’empare des colonies américaines. Et quel spectacle de pitié que celui de ce peuple de deux millions devenu tout tremblant devant dix-huit mille paysans, pacifiques par nature et neutres par serment ! Phipps écrit à Lawrence, le 27 ou 28 juillet : « Je vous prie de considérer à quels dangers sont exposés aujourd’hui les intérêts de Sa Majesté à l’égard des Français neutres. Tout scrupule doit disparaître ; s’il en restait encore, il est juste et nécessaire qu’on les chasse de la province, à moins que l’on ne prenne à leur égard de fortes sûretés et des sécurités autres que celles du serment, ce qui, pour les hommes de leur religion, n’est point une garantie sérieuse. »

Les autorités d’Halifax vont se déterminer pour des motifs encore plus sordides et plus hideux. Il n’est que trop vrai, Mesdames, Messieurs, qu’au fond de cette expulsion des Acadiens, il y eut une infâme spéculation. On veut faire main-basse sur leurs bestiaux — songez qu’ils en ont pour 10,000 livres sterling — et les belles prairies acadiennes ont surexcité la cupidité des colons anglais qui ont le goût des terres toutes faites. Relisez cette lettre de Winslow, un des officiers supérieurs, campé à Beauséjour : « Nous formons maintenant le grand et noble projet de chasser les Français neutres de cette province ; ils ont toujours été nos ennemis secrets, et ont encouragé nos sauvages à nous couper le cou. Si nous pouvons accomplir cette expulsion, cela aura été une des plus grandes actions qu’aient jamais accomplies les Anglais en Amérique ; car, entre autres considérations, la partie du pays qu’ils occupent, est une des meilleures terres qui soient au monde, et dans ce cas nous pourrions placer quel-