Page:Groulx - Notre maître, le passé, 1924.djvu/182

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parmi les Canadiens, opinent pour l’indulgence, pour le silence absolu des autorités sur l’acte des jeunes écervelés. Toute autre est l’opinion de Papineau. Après de tels outrages à la paix publique l’impunité lui paraît une excitation directe à d’autres excès. Déjà il voit s’enflammer, par la faiblesse des gouvernants, le brandon révolutionnaire. Voici bien ce qu’il écrit à madame Papineau, le 23 décembre de cette année-là : « M. Brown nous écrivait en même temps que le Dr Beaubien que ce n’était qu’une étourderie de jeunes gens qui ne pouvait tirer à conséquence et à qui nous donnerions de l’importance en leur donnant quelque attention… M. Brown peut-il douter que la répétition de pareilles scènes ne puisse plonger le pays dans une guerre civile ? Tout ce que les réformateurs désirent, les changements les plus étendus dans la constitution, pourrait s’obtenir sans violences, si le parti anglais pouvait être une fois convaincu qu’il est et ne doit être que sur un pied d’égalité et non de préférence avec nous… Mais la politique d’O’Sullivan prévaudra, celle de temporiser. Il n’y aura pas de carabiniers en jeu, mais, à la première occasion, il y aura des manches de hache, des rixes et des meurtres, puis viendra enfin la grande débâcle qu’il eut été si facile de prévenir… » Quelle clairvoyance en ces lignes écrites deux ans tout juste avant la catastrophe. Cette même lettre nous apporte une révélation encore plus décisive sur les véritables sentiments de Papineau à cette époque. Elle nous le montre en désaccord avec ses amis sur l’opportunité de dénouer la situation politique par un coup de force : « Plusieurs, écrit-il à propos du même incident, pensent que les seules voies constitutionnelles ne peuvent pas nous procurer les réformes nécessai-