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Notre Maître, Le Passé

lui des colères et des rancunes qui n’abdiquèrent jamais. Cartier, heureusement, avait le bon sens robuste. Esprit positif, assoiffé de clarté, il ne pouvait se gargariser longtemps avec les sonorités ronflantes de la phraséologie révolutionnaire. Les flambées de Colborne achevèrent de lui dessiller les yeux. Dix ans à peine passeront et, quand nos jeunes radicaux essaieront d’un 48 en miniature au Canada, Cartier, libéré de ses anciennes attaches, fera figure de rigide conservateur. À ce moment La Fontaine a remplacé Papineau dans ses admirations. Comme tous les élus de la vraie maturité intellectuelle, il a l’horreur instinctive des utopies. Et, puisque les circonstances ont voulu que le député de Verchères entrât au parlement presque aux jours mêmes où le petit groupe des radicaux entreprenait de devenir un parti politique, il fut bien vite entendu que le nouveau député se constituait le plus déterminé de leurs adversaires.

Jusqu’à quel point ce rôle d’oppositionniste, imposé par les circonstances, a-t-il influé sur le catholicisme de Cartier ? Son tempérament de combatif contribua sans doute à l’engager plus ardemment dans la défense de l’ordre social et religieux. Mais il suivit aussi les impulsions de sa foi qu’il eut sincère et profonde.

Il a jeté, à travers nombre de ses discours, des professions de foi simples, peu tapageuses, mais de quelle noble et solide franchise ! L’on se sent avec plaisir bien loin de la religion électorale des politiciens de perron d’église. L’on comprend que cet homme d’État a dû ne jamais rougir de sa foi, qu’il ignore tout à fait le respect humain. C’est en 1886, à la Chambre des Communes ; il est question du « désétablissement de l’Église d’Irlande ». Cartier, au milieu d’un discours très hardi,