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Ce cinquantenaire[1]
(1867-1917)



On ne relit pas, sans quelque mélancolie souveraine, les récits de la première « fête de la confédération. » À Montréal, où les passions s’étaient le plus échauffées, ce ne fut, toute cette journée du premier juillet 1867, que bruit de canon, parades militaires, fêtes joyeuses dans les parcs et sur les places publiques. Une proclamation du maire de la ville félicitait le peuple d’un événement qui, « on peut le dire, nous « élevait » au-dessus de la condition dépendante de colonie et nous « faisait » prendre une place parmi les nations ». Le soir, un mortier lança une série de bombes artificielles ; la septième fit voir en feux colorés deux mains tendues pour une cordiale étreinte, et, en dessous, cette devise : « Vive la confédération. » L’enthousiasme avait monté presque toutes les têtes. Tant de voix graves s’étaient fait entendre pour célébrer la nouvelle hégire ! Nos législateurs prenaient figure de sauveurs et paraissaient avoir dénoué l’une des crises politiques les plus graves. Il y avait bien dix ans que le Haut-Canada, impuissant à dominer le Bas, parlait d’annexion aux États-Unis, pendant que le fanatisme incendiaire de George Brown et de ses clear-grits mettait en péril la paix nationale. Les hommes de 1867 n’étaient pas éloignés de croire « qu’une constitution est un ouvrage d’esprit comme une ode et une

  1. On voudra prendre note que cet article fut écrit pendant la guerre, alors qu’au Canada l’on se fût cru, à certains moments, tout près de la guerre civile. (Note de l’éditeur).