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Notre Maître, Le Passé

tragédie » et qu’on peut, malgré Joseph de Maistre, « constituer les nations avec de l’encre. »

Devant les perspectives de leur œuvre, les Pères de la confédération avaient fait un visible effort pour se hausser jusqu’à la taille des hommes d’État. Dégagée des étroitesses du provincialisme, l’idée de patrie s’était amplifiée aux yeux de tous. Nos délégués à Londres, reprenant les fières attitudes des hommes de 1862, faisaient reconnaître par des textes solennels notre autonomie parfaite. Seules, de pures convenances diplomatiques empêchèrent la nouvelle fédération de s’appeler officiellement « le royaume du Canada » (the Kingdom of Canada.)

La même largeur d’esprit présida au règlement des affaires intérieures. Les formules de la liberté ne cessèrent de s’améliorer à travers les débats et les élaborations de la charte fédérative. La conférence de Québec avait laissé facultatif l’emploi du français aux parlements d’Ottawa et de Québec, devant les cours fédérales et celles de notre province ; les rédactions postérieures rendirent obligatoire l’usage du français dans les archives et les procès-verbaux des parlements. La liberté scolaire connut le même progrès. Le législateur multiplia louablement les précautions et les garanties. Le premier texte de 1864 n’accordait leurs droits et leurs privilèges scolaires qu’aux minorités des deux Canadas ; ces garanties furent étendues aux minorités de toutes les provinces. Pour ménager un pourvoi aux minorités lésées, nos ministres, de concert avec Londres, créèrent pour elles le recours au gouverneur général en son conseil et le droit d’intervention du parlement fédéral. Bien plus, le législateur impérial, dans un commentaire solennel de l’article 93 de la nouvel-