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Ce Cinquantenaire

États de l’alliance ? Et, par exemple, en 1867, vint-il à l’esprit du contractant français que son premier ennemi ne serait pas celui du dehors mais celui du dedans ? Entré dans la Confédération avec la condition expresse d’y conserver son patrimoine moral, a-t-il prévu dès lors que son premier assaillant serait son allié ? Bien au contraire. Telle fut, en 1867, la confiance du Canada français qu’avec la constitution nouvelle, tout péril intérieur lui parut supprimé. Il faut lire, à la date du 2 juillet de cette année-là, l’article de la « Minerve », alors dans notre province le porte-parole le plus autorisé du gouvernement. Le journal conservateur s’évertue à démontrer que, sans craintes désormais du côté de l’Angleterre, nous n’aurons plus d’ennemis que nos voisins, les Américains. Et le journal conclut : « Canadiens, rallions-nous tous autour du nouveau drapeau. Notre constitution assure la paix et l’harmonie. Tous les droits seront respectés ; toutes les races seront traitées sur le même pied ; et tous, Canadiens-français, Anglais, Écossais, Irlandais, membres unis de la même famille, nous formerons un État puissant, capable de lutter contre les influences indues de voisins forts auxquels nous pourrons dire : « Et ego foederatus recedam a te ».

Hélas ! que diraient les pères de la Confédération, si, pour un moment, ils réapparaissaient dans notre arène politique ? Moins de cinquante ans ont suffi à ruiner leur illusion. Nous allons léguer à l’histoire l’exemple de l’une des plus lamentables banqueroutes qui peuvent atteindre les unions fédératives. Et, cet exemple, nos politiques n’ont rien épargné pour le faire concluant. Les successeurs des Pères eussent dû se souvenir de la précarité de ces constitutions artificielles,