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Conclusion

que des historiens ont parlé de théocratie. Théocratie qui n’usurpe, en tout cas, que le droit de se dévouer intelligemment, si j’en crois ce mot de Colbert à Mgr de Laval : « La colonie canadienne n’a de vie que depuis le temps où vous vous êtes dévoué pour elle ».

Avant même l’arrivée de l’évêque, le dévouement de l’Église devançait les besoins de la Nouvelle-France. À Québec il n’y a guère, en 1635, que 300 habitants lorsque les Jésuites fondent leur collège. Quatre ans plus tard, les Ursulines ouvrent leur première école pour 40 petites filles, cependant qu’à Ville-Marie Marguerite Bourgeoys attend, pour les instruire, que les enfants soient en âge. Œuvres d’enseignement, œuvres de charité, tous les organismes se créaient l’un après l’autre ; et, chaque fois, pour jeter dans notre histoire un ferment immortel, un saint ou une sainte était préposé à la tâche de fonder. Champlain, François de Laval, Marie de l’Incarnation, la Mère de Saint-Ignace, Maisonneuve, Jeanne Mance, Marguerite Bourgeoys, les Pères Le Jeune, Lalemant, les Sulpiciens Souart, Dollier de Casson, appartiennent à l’humanité des élus qui se mêlent éternellement aux œuvres qu’ils fondent.

Grâce à ces puissantes ressources spirituelles nous allions traverser une autre phase périlleuse de notre croissance. Avec l’arrivée des colons de Colbert, la Nouvelle-France se met à grandir par accroissements subits, précipités. Quel état peu propice à la morale que ces établissements hâtifs où les arrivants se croisent et se mêlent, où les colons se dispersent sur un immense pays, sans églises, presque sans prêtres et sans cadre social. Les guerres continuelles, les exigences de la traite des fourrures aggraveront cette incohésion. Pen-