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Notre Maître, Le Passé

cet emploi, elle porterait leur âme en paradis. » Ces hommes connaissent si peu la peur qu’en 1663, trois ans après le sacrifice tragique de Dollard, les « Soldats de la très sainte Vierge » qui s’appellent maintenant les « militaires de la sainte Famille », seront cent quarante, de soixante-douze qu’on les comptait au commencement. Cent quarante ! cela veut dire tous les hommes valides, en état de porter les armes.

Ville-Marie, c’est la culture merveilleuse des vertus primitives. Nulle part en Nouvelle-France, l’on ne vit pareille efflorescence de belles âmes surnaturelles. J’ai parlé tout à l’heure de chevalerie ; mais on dirait des chevaliers qui auraient été des chrétiens primitifs. Il ne faut qu’un petit effort d’imagination pour se représenter les hommes avec le heaume d’or et l’épée haute des paladins ; on se les figure aussi bien, les femmes surtout, avec une auréole et des palmes dans les mains. Quoi d’étonnant ? Ces colons sont de bonne venue, de la meilleure noblesse chrétienne et française, et le vent qui passe sur les redoutes de la Pointe-à-Callière, descend des plus purs sommets. Pendant des années, ils ont vécu, coude contre coude, témoins de l’héroïsme de chacun, unis dans les mêmes périls, dans les mêmes souffrances, dans la même nostalgie de la patrie lointaine ; pendant des années ils ont fait à leur tour le sacrifice de leur vie pour le salut de la cité, faisant assaut de galanterie chevaleresque. Comment toutes ces âmes ne seraient-elles pas hautes ?

En plus, ils ont soin de s’abreuver aux grandes sources. Tous assistent à la messe quotidienne qui, pour les hommes, se dit à quatre heures en été, et à huit heures pour les femmes. Et voyez comme se tient le conseil de ville de ce temps-là.