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Ville-Marie

Les édiles d’alors s’appellent Maisonneuve, Mère Bourgeoys, M. Souart, Mlle Mance, dames d’Ailleboust, Migeon de Bransac, Le Moyne, Le Ber. Chaque séance débute par la messe, tous y communient, y font l’action de grâces ; ce n’est qu’après toutes ces prières qu’on aborde l’ordre du jour. Et il ne paraît pas, s’il faut en croire les vieux chroniqueurs, que les affaires de la ville fussent alors plus mal conduites qu’aujourd’hui. C’est le beau temps où rien ne se ferme à clef, ni les maisons, ni les coffres, ni les caves. Les mauvais garnements, s’il s’en déclare, sont bannis sans pitié. De 1656 à 1665, alors que la population s’élève pourtant jusqu’à mille et douze cents habitants, c’est à peine s’il faut réprimer douze délits, dont plusieurs des peccadilles.

Que Dollard paraisse maintenant, héros de tempérament, mais grandi, achevé par tant d’influences ennoblissantes ; que, du plus pur des émanations spirituelles de Ville-Marie, il forme son beau rêve héroïque, et quand, par les petites ruelles, il s’en ira, le beau gars aux allures de jeune croisé, tenter sa récolte de braves et jeter son fier appel : « As-tu peur de mourir pour Ville-Marie, compagnon ? », vingt-cinq jeunes preux, fils comme lui des mêmes vertus et du même grand air, lui répondront : « Pas plus que toi ! »

Quelques années plus tard, les mêmes influences pousseront la petite Jeanne Le Ber à son holocauste suprême. Elle est née en 1662 ; son père, Jacques Le Ber, est de la huitième escouade des « miliciens de la sainte Famille » ; sa mère est Jeanne Le Moyne, sœur de Charles, le futur baron de Longueuil ; elle a eu pour parrain et pour marraine M. de Maisonneuve et Jeanne Mance. Son oblation sera sa manière de servir… à la Dollard.