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Notre Maître, Le Passé

cents barbares les assaillent, jour et nuit, de coups de feu et de clameurs sauvages. Dans leur fortin de pieux, étroitement serrés, les pauvres assiégés souffrent de la faim et de la soif. Ils passent aussi par les tentations de la peur. Quand l’ouragan des cris s’est élevé plus fort, après l’arrivée des Iroquois du Richelieu, les Hurons terrorisés ont sauté la palissade et seul est resté celui-là qui avait donné sa parole aux Français. Les assiégés éprouvent aussi les tentations du cœur et du sang. Pendant ces huit longs jours et ces huit longues nuits de martyre leur revient le paysage de Ville-Marie, avec le souvenir des choses qu’ils ont aimées, avec la figure de leurs mères, de leurs fiancées qu’ils ont laissées et qui, là-bas par delà la montagne, les rappellent et leur tendent les bras. Maintenant qu’ils ont perdu tout espoir de vaincre, qu’ils peuvent tout au plus retarder leur mort et leur défaite de quelques heures, ils se demandent, avec angoisse, eux aussi, s’ils n’ont pas follement sacrifié leur jeunesse et leur bonheur, s’ils n’auront pas vainement décimé Ville-Marie et la Nouvelle-France ; ils se demandent si l’oubli après la mort ne planera pas éternellement sur le coteau funèbre du Long-Sault. Ah ! dans leur détresse, quand cet ennemi plus terrible que le barbare a franchi la palissade et vient faire trembler leur cœur, où donc nos martyrs ont-ils trouvé la force de rester, de tenir jusqu’au bout ? À cette heure suprême où les forces d’ici-bas sont trop peu de chose pour tenir l’homme debout, face à la bataille, les dix-sept compagnons appelaient à leur aide la force qui ne fléchit pas. Contre la peur et le doute angoissant, contre les appels de la chair et du sang unis à la tempête du dehors, entre deux assauts, les enfants de Ville-Marie avaient recours à la puissance d’en