ges de sa bienfaisante influence. À n’en pas douter, nous lui devons, pour une bonne part, l’esprit chrétien qui a vivifié nos institutions et nos lois, qui leur a fait une vertu sociale. Quelques historiens, plutôt courts de sens catholique, n’ont voulu voir, dans les luttes de Mgr de Laval pour la reconnaissance de son rang au Conseil, que de vaines disputes de préséance et de protocole. Combien en réalité l’enjeu fut plus grave ! Il y allait des droits suprêmes de l’Église, du rôle de l’élément spirituel dans l’État, autant dire de l’âme même de nos institutions. Si l’on veut se rappeler qu’en France, le haut clergé s’achemine à ce moment vers la courtisanesque défection de 1682, le spectacle ne manque pas de grandeur de ce lointain prélat de la Nouvelle-France, dépendant plus que personne des aumônes de la cour, mais défendant sans fléchir l’indépendance du pouvoir spirituel. Apparenté à cet Henri de Montmorency, à ce grand maréchal de France dont Richelieu fit tomber la tête, François de Laval appartenait à une famille où l’on savait résister aux caprices du pouvoir. Disons mieux : il était de ces esprits qui aiment la vérité d’un amour absolu, qui se passionnent pour la défense de ses droits, convaincus que toute défaite du juste et du vrai se résout ici-bas en un malheur humain. Il croyait que la grande habileté, pour un homme de gouvernement, n’est pas de résoudre les problèmes par des expédients qui ne règlent vite que parce qu’ils ne règlent rien ; mais qu’il n’y a de vraies solutions que celles où le droit et la vérité ont le dernier mot. Pour les hommes de cette trempe, il y a quelque chose de plus grave que les perturbations passagères occasionnées par la résistance de la vérité aux assauts de l’erreur ; c’est le malaise chronique,
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