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PASSAGE DE L’HOMME

surveille ce matin et que je m’oblige parfois, au cours de mon travail, à regarder par la fenêtre (c’est un conseil qu’ils m’ont donné), je ne suis pas encore bien sûr de rapporter fidèlement le récit que j’ai entendu. J’en arrive même à me demander s’il dura vraiment une seule nuit. Cela me paraît parfois invraisemblable. Et à d’autres moments cela me paraît d’une telle évidence que je ne me pose même plus la question.

Vous dirai-je tout ? je connais même des instants, de courts instants où je me demande : « As-tu vraiment entendu ça ? et la vieille dont tu parles ici, es-tu bien sûr de l’avoir rencontrée ? » Ce sont là des moments terribles et que je ne souhaite à personne : c’est comme si je me vidais de moi-même ; mais jamais jusqu’à en mourir. Comprenez-moi : je suis entre ciel et terre. Il doit se passer des choses comme ça pour tout le monde, aux derniers instants. Le malheur, c’est qu’il y ait peu de personnes au monde qui aient vécu leurs derniers instants. Alors je me trouve assez seul. Suffit là-dessus : j’en aurais pour des heures si je voulais seulement vous confier la moitié de ce que j’ai à dire, et vous n’en seriez pas plus avancés, ni moi non plus.

La vieille alluma la chandelle : dans ce village, il n’était pas encore question d’autre