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PASSAGE DE L’HOMME

d’abord, qui s’allégea. Au point que je me retournai et que je tâtai pour voir si un mauvais plaisant… C’était stupide ! comme si quelqu’un avait pu, sans que je m’en aperçoive, marcher en silence derrière moi et plonger ses mains dans mon sac ! Et à mesure que je devenais plus léger, la route devant moi se redressait. Une côte, d’abord, qui n’en finissait pas, toute droite, une côte que je ne connaissais pas, et qui se redressa encore jusqu’à ce qu’il me fallût marcher plié en deux bien que mon sac, on eût dit, fût plein d’air. Et quand il me sembla que le sentier était abrupt au point que je devais renoncer, alors je marchai en plein ciel. Et je sifflais, et je chantais, tout comme ivre sans avoir bu, et je jetais mes lettres çà et là, et chacune d’elles s’ouvrait et fleurissait, et toutes les fleurs s’agrandissaient jusqu’à ce qu’elles joignissent leurs pétales, et des oiseaux chantaient parmi tout ça. Et alors je sortis de mon sac une grande lettre bordée de noir, un faire-part qui venait de loin : le timbre, je me rappelle, était en forme d’étoile, et de couleurs vives et douces comme on n’en voit pas par ici. Et je jetai cette lettre comme les autres. Mais quand elle fut tombée, tout changea à l’instant. Et je marchai d’abord sur des draps noirs ourlés d’argent