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PASSAGE DE L’HOMME

d’où montait une odeur affreuse. Et ces draps noirs se mirent à onduler, et, de mon pied je tâtai ces ondulations. Je crus d’abord qu’un vent passait, la houle du vent, au-dessous de moi : quand j’appuyais, le drap plongeait, l’ondulation se déplaçait. Mais bientôt le drap se durcit, devint de la terre, une terre toute noire, avec des flaques d’eau lourde ; et, des flaques, se tendirent des bras qui réclamaient, et je cherchais vainement dans mon sac de quoi répondre à cette attente : plus une seule lettre ! Et j’avançai entouré de cris, dans une tempête de hurlements, et des bras s’agrippaient à mes jambes, jusqu’à ce qu’enfin, tombant dans une flaque noire, je me trouvai sur la route du village ».

La vision du Chaoul se serait éteinte toute seule si le Chaoul lui-même n’était mort de façon étrange.

C’était un soir d’automne. Le Chaoul rentrait de tournée, sa besace vide, lorsqu’il fut accosté, c’est lui qui nous le raconta, par un vieil homme — il avait plus de cent ans bien sûr — qui lui demanda de le mener au bord du Fleuve. Le vieillard était presque aveugle. Il était venu, à ce qu’il disait, de très, très loin, « pour une affaire », et il devait, ce soir, prendre un bateau. Il mit son bras