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PASSAGE DE L’HOMME

que le corps fût refroidi : ils avaient trop peur d’être atteints. Le Fossoyeur regarda le Chaoul. Et le Chaoul lui dit : « Tu peux ouvrir. L’heure est passée. Je sais maintenant que je ne mourrai pas. » Le Fossoyeur ouvrit la porte, et alors, Monsieur, au même instant, le Chaoul, qui était si calme, se leva avec un cri, l’écume aux lèvres, et il disparut dans la nuit. Le lendemain, on apprit qu’il s’était noyé.

Quelques semaines après, en pleine grand’messe, le Curé mourait ; en pleine grand’messe, et avec le calice dans ses mains — vous savez bien, quand on sonne la petite clochette. L’hostie roula du maître-autel jusqu’au lutrin. Personne n’osait la ramasser. Elle demeura huit jours, toute ronde et blanche, sur les pavés, jusqu’à ce que vînt le curé des Collines. Il entra tout seul dans l’église et nous ne sûmes pas comment il avait fait. C’est lui aussi qui enterra notre curé, et dès le soir il remonta vers les Collines, comme apeuré d’avoir pu vivre parmi nous. Il n’y eut pas d’autre curé, et les poules entrèrent dans l’église, et les enfants, et par les vieux murs fendillés, le lierre se faufila et boucha les vitraux.

Puis mourut le Maître d’École. Les derniers temps, il était retombé en enfance.