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PASSAGE DE L’HOMME

mourront point sans confier leurs espoirs aux plus jeunes. Ce qu’on garde au fond de son cœur, bien patiemment, cela finit par donner fruit. Et si cela ne donne pas fruit, c’est que la foi n’est pas suffisante. Laissez-les croire ! « Et je dirais encore : « L’Homme, qu’est-ce que vous pesez, devant leur foi ? Êtes-vous donc devenu si fier que vous croyiez l’avoir fait naître ? On attendait quelqu’un ici avant que vous n’arriviez, quelqu’un de grand. C’est notre attente elle-même qui vous a suscité. Tous vos miracles, c’est nous qui les avons voulus ! » Je pensais cela, et, en même temps, j’avais une grande pitié de l’Homme. Il n’était plus un dieu. C’était un homme, tout proche de moi, il me semblait que je pourrais l’aider, et j’étais comme heureuse de le sentir si faible. Car il serait faible ce soir, plus faible encore, et il conviendrait de ma sagesse.

J’arrivais près du moulin lorsque j’entendis un bruit de pas. La nuit était tout à fait noire. Je prêtai l’oreille : des feuilles sèches tournoyaient au vent. Je poussai la porte et traversai la première pièce, une vieille cuisine abandonnée. Un rais de lumière passait sous la porte d’en face : l’Homme, comme hier sans doute était assis dans la grande salle, et en face de la cheminée. Quand