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PASSAGE DE L’HOMME

j’arriverais, c’est à peine s’il ferait un geste. Et c’est à peine si nous parlerions. Pourtant, c’était le dernier soir ; il parlerait peut-être davantage. J’ouvris la porte. L’Homme était là. Et il était assis comme je l’avais pensé, penchant un peu la tête et comme lisant dans l’âtre. Une flamme, une courte flamme jaillit de la bûche, et s’éteignit. Je dis : « Eh bien, l’Homme, on oublie le feu ? Avec ce froid, pourtant… » Je m’arrêtai. L’Homme n’avait pas fait un mouvement. Il lui arrivait, autrefois, de se perdre ainsi dans ses rêves. Je m’approchai de la cheminée, rassemblai les tisons sous la bûche et soufflai sur le feu qui reprit. Il me sembla qu’on marchait dans la cour et que quelqu’un ouvrait la porte. Je me tournai vers l’Homme et dis : « Entendez-vous ? » Mais il demeurait immobile, comme assoupi. Je repris : « L’Homme, entendez-vous ? » Et puis, plus fort : « L’Homme ! L’Homme ! » Les flammes dansaient sur son visage, je crus un moment qu’il souriait. J’entendis qu’on parlait dans la cuisine. Oui, on parlait à voix basse, on approchait, des mains tâtaient maladroitement la porte. Toute éperdue, je mis la main sur l’Homme, et alors, Monsieur, son grand corps s’écroula, soudain, et, tout d’une pièce, comme un arbre qu’on a fendu.