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PASSAGE DE L’HOMME

vous faisait venir le jeudi. Il n’était pas brutal du tout, je ne l’ai jamais vu frapper, mais il criait. Et vous fendait les oreilles et l’esprit. Il n’allait jamais à la messe, et s’il prêtait des enfants à l’église, pour un mariage ou pour un enterrement, c’était toujours à contre-cœur et avec des mots désagréables. Pas un mot de cela dans ses leçons, mais il avait une telle façon de dire, quand l’un de nous parlait étourdiment du catéchisme ou bien de la messe, — il avait une telle façon de dire : « Ce qui se passe à l’église ne me regarde pas » qu’on sentait qu’il était d’une autre religion.

Car il était d’une autre religion. Il disait bien au Père être libre-penseur — il expliquait : « Je suis un homme qui ne s’en laisse pas conter, un homme, comprenez-vous, Maître Pierre, qui veut voir clair » il disait bien tout ça, mais avec une telle force, avec une telle colère parfois, que l’on sentait que là était son dieu ; que son dieu, c’était la raison, et le progrès, et l’avenir, et ça n’était pas sans grandeur, et pas sans risques, car les curés aussi, tous les curés, criaient très fort, et les campagnes étaient pour eux.

Le Maître d’École, d’abord, s’était intéressé à l’Homme. Il lui avait prêté des livres. Il lui avait même demandé de venir l’aider