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Page:Grout - Passage de l'homme, 1943.djvu/65

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PASSAGE DE L’HOMME

l’hiver, dans ses cours du soir. Mais tout ça, ce n’était que parce que l’Homme n’allait plus à la messe et qu’il semblait ainsi être « pour la lumière », comme disait le Maître d’École. L’Homme était « bien pour la lumière », mais si le mot, pour tous les deux, était le même, il ne voulait pas dire la même chose. Le Maître d’École le comprit.

Je me rappelle qu’un soir — j’aurais dû vous dire ça plus tôt : c’était l’hiver — il s’en vint chez nous pour la veillée. Il était de très bonne humeur : je voyais ça à cette malice qui se cachait dans sa moustache, et qui se lisait aussi au coin de ses yeux. Il commença par plaisanter : « Qu’est-ce qu’un enfant lui avait dit ? que l’Homme, au cours du soir, avait parlé d’îles merveilleuses ? qu’il avait même sorti les cartes et qu’il avait montré du doigt où se trouvaient ces fameuses îles. C’était un conte assurément, mais l’Homme n’avait-il pas manqué de prudence ? Est-ce que les enfants n’allaient pas croire aux îles ? Or, ni vous ni moi n’y croyons,… n’est-ce pas ?… Pour nous, ce n’est rien de plus qu’un jeu. » Et là-dessus, le Maître d’École s’arrêta court : il comprenait qu’il s’était trompé depuis toujours, et que les Iles, pour l’Homme, ce n’était pas un jeu, mais la certitude des certitudes. Et