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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/121

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En Pleine Terre

joyeux que dans un désert, il s’inclina en signe d’abdication. Mais en relevant la tête il rencontra le regard de Fioume, insolent, glorieux. Toute la lie qui, petit à petit, avait déposé au fond de son cœur, depuis des mois, remonta d’un seul jet : « Ah ! je suis un condamné à mort, hein ? Rien que bon à jeter dans la fosse, hein ? Le peu de temps qui me reste à vivre, ils vont me le payer le prix ! » Sans sourciller il avala six verres de petit blanc et se mit en quête d’autres. Sur son chemin il agaçait les filles ; ses doigts décharnés faisaient des marques dans les nuques grassettes, mais il avait surtout l’idée à boire. Comme Roseanne cherchait à l’en empêcher, il cracha, la bouche amère, pour que tout le monde entende :

— As-tu peur que je prenne mon coup de mort ?

Et la repoussant durement, il lui dit :

— Va retrouver ton sacreur. Ton beau sacreur. Moi j’suis rien qu’un beau buveur.

***

Le plus ancien de la famille du marié achevait la complainte des vieillards quand,