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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/157

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En Pleine Terre

— Pense pas ça, Énervale, je te le défends. Comme si je savais pas que je suis décharnée.

Énervale conclut tristement :

— On est des vieillardes, nous deux.

Il y avait quelque chose de changé en elles. Déjà aux petits soins l’une pour l’autre, les Demoiselles Mondor trouveraient dans la haine du même homme la raison d’une amitié durable :

— Mange donc, Énervale, tu vas perdre toutes tes forces.

— J’ai pas plus faim que la rivière a soif. Je t’en prie, marche pas tant, Ombéline, toi qui as les pieds sensibles.

***

Sur le soir l’homme revint, heureux et accablé. Avant même qu’il eut saisi la pompe pour boire à même, les Demoiselles, d’un signe, lui montrèrent l’argent de ses gages, sur le coin de la table. Ombéline, les yeux baissés, de nouveau renfrognée, lui dit sèchement :

— Le temps des récoltes est fini. À c’t’heure on n’aura pas besoin de vous.