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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/19

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LA GLACE MARCHE


Dès qu’elle avait donné son cœur au bon Dieu, chaque matin, Marie-Amanda, la tête enroulée dans un tablier à carreaux, courait au perron prendre « l’air de vent ». Même quand l’hiver était à son mieux, par les froids durs et secs, elle ne manquait pas d’aller au dehors saluer le jour nouveau. Invariablement, la grand’mère, que cette coutume désespérait et qui marchait tant bien que mal, se traînait à la fenêtre pour faire signe à la jeune fille d’entrer.

Mais par ce matin de mars, malgré les exhortations de l’aïeule, Amanda s’attardait à plaisir. Tout l’accueillait de si belle façon : à un ciel pâle, tendre aux regards, s’accrochaient des pans de nuages laiteux ; un vent doux caressait les choses et l’air embaumait, affiné par la nuit. L’eau qui, la veille au soir, s’était retirée sous le gel, s’écoulait librement en de nombreux rigolets chucho-