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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/30

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Germaine Guèvremont

du printemps. Le même jour, Russe parut au grand soleil, marchant du pas égal, au milieu de la route, baluchon sur le dos, le teint frais, l’œil clair, en santé. Malade, lui ? Il avait passé un bon hiver, un bel hiver, en hivernement chez un habitant du Pot au Beurre.

Pendant deux jours il discourut des choses et des gens qu’il avait observés dernièrement. Quand Mathilde Beauchemin le vit ramasser ses nippes, prêt à partir, elle prépara le gros pain rond, la motte de beurre salé et le paleron de jeune porc frais qu’elle avait fait cuire à son intention.

Russe surveillait ces préparatifs sans mot dire. Soudainement il demanda :

— C’est tout ?

— Mais oui, quoi ?

— Quoi ? Voilà cinq mois que je vous ai pas rendu visite : vous m’en devez cinq fois plus.

Didace Beauchemin trancha net :

— On te doit rien, Russe. Tu entends ?

Debout de tout son long, le quêteux, outragé, toisa tous les Beauchemin. Ce n’était pas pour la valeur des choses qu’il s’indignait, lui l’homme libre d’aller de maison en