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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/74

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Germaine Guèvremont

Un jeune, pour le plaisir de l’interrompre, fit la réponse :

— Trois canards déployant leurs ailes.

L’ancien s’emporta :

— Laisse-moé parler tranquille ou ben j’parle p’us.

Mais il s’empressa de continuer :

« Ah ! mes vieux ! il y avait là le garde-chasse en personne. Trempé jusqu’aux os, la face rouge comme une forçure. Son ciré dégouttait. On le reçoit poliment. Je le fais asseoir. Et j’attends. Y parlait de rien. J’étais pas à mon aise, vu que les plumats séchaient sous le poêle et que le fricot mijotait dans le chaudron. J’vous mens pas, il nous venait des odeurs, par bourrées, qui étaient pas de la poison.

« À propos… commença le garde-chasse.

« À propos, que je dis, sans le laisser finir, vous prendriez ben un p’tit quèque chose pour vous mettre en train ?

« Et j’y sers un verre de petit-blanc, un vrai, pour le saluer. Et un autre, comme de raison, pour pas le laisser partir rien que sur une patte. J’me disais : « Avec celui-là, il verra pas le soleil se coucher à soir. » Mais au lieu de s’en aller, il continuait à fumer et