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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/81

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En Pleine Terre

la chasse qu’il se serait privé de nourriture au profit de ses canards dressés.

L’hiver le voyait à peine au dehors, juste le temps d’entretenir dans la glace le trou où il s’approvisionnait d’eau. Mais au printemps, dès la première grive, il sortait de sa ouache, en santé, prêt à chasser le rat musqué.

Au besoin, il partait, paqueton sur le dos. Les voisins en le voyant prendre la route s’entredisaient :

— Apparence que Defroi se donne à matin.

De fait, il entrait comme manœuvre chez quelque fermier du voisinage qui, pour prix de son labeur, lui remettait des cartouches, des vêtements ou ce qu’il lui manquait. Chacun, connaissant son penchant contraire à l’argent, se gardait bien de le récompenser autrement qu’en nature.

Aux jours de grande joie, on l’entendait pousser des cris étranges et tirer du fusil dans le ciel libre. Ce qui faisait dire aux uns qu’un sang sauvage lui courait dans les veines ; les anciens, eux, prétendaient qu’il venait en droite ligne des pirates espagnols. Mais le mystère de son ascendance n’inquiétait personne et aucun ne redoutait Defroi.