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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/84

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Germaine Guèvremont

pait sa pensée. Pourquoi ne revenait-il pas ? Peu à peu, elle sentait s’appesantir, sur ses épaules en haillons, la honte de l’indigence. Porterait-elle jamais la soie, les tissus doux, la dentelle qui revêtent les filles riches ?

Par oui-dire elle savait que l’argent se gagnait facilement tout près, à la chasse aux grenouilles. En l’absence de Defroi, à la nuit tombante, elle partit mal vêtue, armée d’un gourdin, d’une poche et gagna le marais. Beau temps, mauvais temps, il en fut ainsi jusqu’à ce que Defroi reparut.

Mais bientôt un point qui la forçait à tousser transperçât Marie-Ange ; elle ne s’en plaignit pas, pensant que de la mélasse chaude, du vinaigre et gros comme une noix de beurre la guériraient sûrement ; peut-être qu’un peu de pressis la renforcirait. Cependant la toux sèche persista.

Dur à son corps, Defroi n’en fit pas de cas, tant qu’il ne vit pas sa fille vomir le sang. Rongé d’inquiétude, il s’en fut quérir le docteur qui eut tôt fait de condamner la petite. Dès lors Defroi n’achevait pas de se « donner », afin de procurer des douceurs à sa fille. Comme il ne se fiait pas aux garçons, rudes et sans précaution, il amenait la malade aux récoltes. Au beau milieu du