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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/83

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En Pleine Terre

C’était pitié de voir le géant qui mangeait comme un ogre s’adoucir devant la petite et lui préparer des mouillettes menues. Quand il était pris à démêler l’épaisse chevelure, il tâchait patiemment de ne pas tirer fort.

— Regardez-moé c’te crinière d’or, jetait-il fièrement à la ronde.

Mais les garçons, jaloux, la baptisaient : tignasse.

***

Et Marie-Ange grandit dans la pauvreté et la joie jusqu’à ce qu’elle eût seize ans. Un midi, en allant comme à l’ordinaire puiser l’eau à la rivière, elle vit, dans une embarcation à la dérive, un jeune étranger qui lui souriait. Sous la caresse du chaud regard, elle rougit et, sur le chemin du retour, il lui sembla que les oiseaux chantaient un chant nouveau et que le vert du feuillage s’était soudainement attendri.

À partir de ce jour, toutes les choses changèrent. Au premier moment libre, Marie-Ange accourait sur la berge. Là, inerte, ses longs cheveux étalés en parure, à la longue journée elle regardait passer l’eau. Le beau jeune homme qui lui avait souri occu-