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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/89

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LE COUP D’EAU


Aussi longtemps que des chemins durs et lisses leur permirent de voyager raisonnablement, les paysans du Chenal du Moine ne se plaignirent pas de l’hiver. Mais dès que les balises roussies s’inclinèrent vers la terre et que la neige, effritée en chandelle, commença à grisonner, ils furent pris de langueur. Les jeunes surtout guettaient avec avidité les signes du printemps.

Comme si le salut viendrait de là, à tout moment ils allaient regarder la commune, toile bise déployée à l’infini qui, dans le lointain, se confondait avec le ciel cendré qu’un soleil pâle n’animait même pas. Quand donc rajeunirait-elle en une plaine vivante aux joncs chevelus ondoyant à tous les vents ?

Par un matin venteux la débâcle éclata et le fleuve délivré, dans sa fierté de s’unir bientôt à l’océan, déborda de ses rivières, de ses petits chenaux et même des rigolets.