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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/95

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En Pleine Terre

Il pleurait comme un enfant. J’essayais de l’encourager :

— Si mon heure est arrivée, Anthime, c’est ni l’un, ni l’autre de nous deux qui pourraient me retenir.

Sur le point de partir, tout en larmes, il s’arrêta :

— Je jurerais ben que le vent veut revirer de bord !

On attendit un rien de temps qui pesait plus que années. C’était pourtant Dieu vrai ! Comme dans les miracles des saints Évangiles v’la-ti-pas que le vent se calmit, que la rivière se remit à couler et l’eau à baisser ?

— Vous deviez prier fort ? questionna Alix, tout émue.

— Nos lèvres remuaient pas même d’un signe, mais notre cœur était rien qu’une prière. D’un chaud matin j’ai voulu jeter un œil au-dehors. Le soleil se levait ; il mirait ses couleurs dans une mer d’eau. De la belle eau calme, lisse comme un miroir. Il y en avait à perte de vue, jusqu’à Saint-Barthélemy ; tous les îlets et les îles étaient à la nage. Mais c’était pas monde de voir les repoussis d’âbres passer à pleine rivière.

— Ah ! je l’ai toujours dit, interrompit