près de la voiture des Beauchemin et dit à haute voix, surveillant l’effet de ses paroles, à la ronde :
— Ma femme a pas de compliments à vous faire sur le bœuf que vous m’avez vendu, la semaine passée : elle dit qu’elle a assez de moi.
Le rire vola, d’une voiture à l’autre, tandis que les hommes, pour activer le sang, trépignaient le sol dur et se frappaient les mains à travers leurs mitaines de peau de cochon. Une femme les entendant rire, s’approcha pour mettre son grain dans la conversation :
— Ah ! vous autres, vous êtes bien heureux, les cultivateurs ! Ça se voit : vous faites rien que rire…
Didace protesta :
— Eh oui ! Puis qui c’est qui vous dit qu’on est des cultivateurs ? Je peux ben être rien qu’un habitant.
— Voyons, monsieur Beauchemin, c’est la même chose.
— Quoi ! Y a pourtant une grosse différence entre les deux : un habitant c’est un homme qui doit sur sa terre ; tandis qu’un cultivateur, lui, il doit rien.
— J’ai jamais lu ça nulle part.
— Ni moi non plus. Mais je le sais, quand même c’est pas écrit dans les almanachs.