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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/99

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LE SURVENANT

hérissait sa moustache et blanchissait les naseaux de la bête.

Dans le matin bleu, de rares étoiles brillaient encore par brefs sursauts. À droite l’espace blanc s’allongeait, moelleux et monotone, coupé seulement par la silhouette sévère des phares et des brise-glace ; mais à gauche, des colonnes de fumée révélaient la présence des maisons effacées dans la neige comme des perdrix parmi la savane. De loin en loin un berlot rouge rayait l’horizon. L’espace d’un instant, on entrevoyait sur l’arrière un goret éventré, l’œil chaviré, levant au ciel ses quatre pattes gelées dur. Puis absorbé par la route, le traîneau se joignait au faible cortège matinal, sur le chemin du roi.

Avant même l’angélus du midi, ils eurent vendu leurs provisions. Didace chargea le Survenant d’en livrer une partie au Petit Fort. Peu à peu le marché se vidait. Les derniers clients s’affairaient autour des voitures et des éventaires. Les habitants avaient vite fait de distinguer parmi eux l’engeance des marchandeurs pour qui ils haussaient les prix avant de leur accorder un rabais. Afin de se montrer gais à pareille époque, plusieurs cherchaient quelque joyeuseté à dire et, à défaut, donnaient à propos de rien de grandes claques dans le dos de leurs connaissances qui sursautaient plus que de raison. L’un d’eux pausa