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LE SURVENANT

Au clair de lune, le gros corps d’Odilon, pantelant comme un épouvantail, oscilla. Au murmure des voix proches, le père Didace s’éveilla :

— Un maudit bon homme, le Survenant !

— Quoi ! on n’a qu’à lui regarder l’épaisseur des mains. Il est encore une jeunesse. Ça se voit.

— Paraît que Didace l’encourage à se battre.

— Quiens ! c’est son poulain…

Didace se sentit fier et un reste de joie colla à lui. Au contraire des femmes, les hommes ne prirent pas la bataille au tragique. Nul ne songea à la faire cesser. À un combat loyal qu’y a-t-il à redire ? À leur sens, elle ajouta même à la soirée un véritable agrément. À l’occasion, ils sauraient bien tirer encore des moments de plaisir à s’en entretenir. Sauf Pierre-Côme Provençal, vexé dans son orgueil de voir un de la paroisse, à plus forte raison son fils, recevoir une rincée aux mains d’un étranger qu’il tenait pour un larron, par le fait même qu’il ignorait tout de lui.

Donc le Survenant grandit en estime et en importance aux yeux de plusieurs, surtout parmi les anciens, premiers batailleurs en leur temps. Cependant ceux qui, tel Amable, ne l’aimaient pas d’avance le haïrent davantage de le savoir non seulement adroit à l’ouvrage et agréable aux filles, mais encore habile à se battre et aussi fort qu’un bœuf.