Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
LE SURVENANT

attention : tu vas nous neyer le temps de le dire.

Le soleil chauffait. Venant sentit ses épaules pénétrées de chaleur ainsi que sous la pression de deux mains amicales.

Il enleva son mackinaw et s’assit en demandant :

— Nagez-vous, père Didace ?

— Non. On nage pas par icitte. Seulement on sait naviguer.

— En plein comme les coureurs des bois.

Mais, plus pour lui que pour son compagnon, Venant ajouta :

— Beauchemin… c’est comme rien, le premier du nom devait aimer les routes ?

— T’as raison, Survenant. Les premiers Beauchemin de notre branche tenaient pas en place. Ils étaient deux frères, un grand, un petit ; mieux que deux frères, des vrais amis de cœur. Le grand s’appelait Didace. Le petit, j’ai jamais réussi à savoir son petit nom. Deux taupins, forts, travaillants, du vif-argent dans le corps et qu’il fallait pas frotter à rebrousse-poil trop longtemps pour recevoir son reste. Ils venaient des vieux pays. L’un et l’autre avaient quitté père et mère et patrie, pour devenir son maître et refaire sa vie.

Ah ! quand il s’agissait de barauder de bord en bord d’un pays, ils avaient pas leur pareil à des lieues à la ronde. Comme ils avaient entendu parler des