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LE SURVENANT

alentours où c’est qu’il y avait du bois en masse et des arbres assez hauts qu’on les coupait en mâts pour les vaisseaux du roi, ils sont arrivés au chenal, tard, un automne, avec, pour tout avoir, leur hache, et le paqueton sur le dos. Et dans l’idée de repartir au printemps. Seulement, pendant l’hiver, le grand s’est pris si fort d’amitié pour une créature qu’il a jamais voulu s’en retourner. Dans les commencements, ça demandait pas rien que le courage d’un homme, mais celui d’une bonne femme ben vaillante avec, pour résister dans le pays : la rivière qui montait, tous les printemps, et qui lichait la maison, à chaque coup d’eau, quand elle la neyait pas. Tout était toujours à recommencer.

Il s’est donc marié et c’est de même qu’on s’est enraciné au Chenal du Moine. L’autre Beauchemin s’est trouvé si mortifié qu’il a continué son chemin tout seul.

Soudainement, le Survenant se mit à chantonner. Les mots d’une complainte lui vinrent à la bouche :

Peuple chrétien, écoutez la complainte
D’un honnête homme qui veut se marier

Après la messe il va voir son monde
Les jeunes gens qu’il avait invités