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LE SURVENANT

coteaux sablonneux, il dressait une grande nappe d’eau claire que le soleil parait d’énormes gerbes d’or.

* * *

Après avoir traversé au pas la ville de Sorel, le cheval, sous la conduite du Survenant, s’engagea dans le chemin de Saint-Ours. Tout à coup il fit une embardée. Près d’une roulotte abandonnée dans le champ, un couple de bohémiens, vêtus de hardes de couleurs vives, se caressaient, sur le talus, au bord de la route.

Angélina rougit :

— Regarde-moi donc ces campions…

— Quoi ! s’ils s’aiment…

— Raison de plus ! Je comprends pas que…

— Quoi, encore ?

— Qu’il y en ait pour qui l’amour soye… rien que ça.

L’air soudain attristé, le Survenant regarda ailleurs et marmonna :

— Faut jamais mépriser ce qu’on comprend pas. Peut-être qu’avec tout le reste, ce rien-que-ça, il y en a qui peuvent pas l’avoir.

Attristée à son tour de la tristesse inexplicable du Survenant, Angélina se tut. Ils allèrent ainsi, silen-